Que vais-je choisir de dire à propos de Piller, de ses apparitions spécieuses dans leur apparence d'hallucinations matérielles ou de spectres végétaux, qui s'émancipent de toute forme dicible. Elles jaillissent en tous sens, verticalement, sortant du cadre, s'y blottissent comme des images poétiques qui, dans leur soudaineté, nous mettent à l'origine de l'être parlant «ce qui est jeune langage, le bien d'une conscience naïve» (Bachelard).
Davantage, elles nous invitent à sortir de soi pour en capter non des résonnances, qui ne font que nous ramener sentimentalement à notre expérience, mais leur retentissement, qui est la tension même de l'image, son étendue qui nous ouvre à la force de ce qui apparaît. Il s'agit de s'ouvrir à des images invécues, que la vie ne prépare pas, que le poète crée.
Le risque serait que celles-ci, dans leur flux nomade, leur apparition, leur érection, leurs rythmes; leur intensité errante, leur «géométrie affective» (Piller), n'usurpent un pouvoir qui les altérerait, risque clairement perçu par l'artiste, dans l'affirmation que les «choses sont beaucoup plus insaisissables qu'on veut bien le dire, le laisser croire».
À cette certitude fait écho, dans sa beauté native, la parole du poète qui nous requiert totalement en son abri: «la rose est sans pourquoi».

Christian Payot
Genève, le 19 janvier 1994
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